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Jean Charest nomme un juge fédéraliste
 
(14/04/10) Jean Charest a trouvé son homme fort pour faire la lumière en ce qui concerne le processus de nomination des juges au Québec. Ce sera donc Michel Bastarache, l'ex-juge de la Cour suprême, qui se verra confier la mission de sortir le gouvernement Charest de l'embarras dans lequel l'a placé Marc Bellemare en formulant ses révélations fracassantes.

Par Patrick Bourgeois, www.lequebecois.org

Disons le tout de go : cette nomination est étonnante et démontre bien que Charest est un être profondément cynique. Dans les circonstances actuelles qui se caractérisent par l'entêtement d'un premier ministre à imposer envers et contre tous une commission d'enquête eu égard au processus de nomination des juges même si les Québécois n'en veulent pas, eux qui réclament plutôt une commission d'enquête sur l'industrie de la construction et le financement du PLQ, on se serait attendu à ce que Charest fasse enfin preuve d'un peu de grandeur et qu'il nomme au moins un juge dont la neutralité politique est clairement établie. Mais c'était trop demander! C'est donc un juge qui est connu et reconnu comme étant fédéraliste qui se chargera de la délicate mission de répondre, au nom du gouvernement, aux allégations de Marc Bellemare.

Les Québécois ont beau remuer comme autant de diables dans l'eau bénite, Jean Charest se fout d'eux et de ce qu'ils pensent comme de sa dernière chemise. Tout ce qui compte pour ce premier ministre aux allures corruptibles, c'est de protéger coûte que coûte le PLQ. Voilà pourquoi il a nommé Michel Bastarache-le-fédéraliste à la tête d'une commission d'enquête dont le mandat ne permettra pas d'éclabousser autant le PLQ que ne pourrait le faire une commission d'enquête sur les liens qui existent entre l'industrie de la construction et les partis politiques au Québec.

En 1992, Michel Bastarache coprésidait le comité du Oui lors du référendum de Charlottetown. Cet accord avait été concocté à la sauvette par Brian Mulroney après que l'Accord du Lac-Meech eut été pilonné par les ennemis du Québec fier et debout. Charlottetown, ce n'était rien d'autre qu'un Meech moins, moins et encore moins. Et Bastarache, ce champion des droits des francophones - en autant qu'ils demeurent soumis et dociles bien sûr - tentait du mieux qu'il le pouvait de faire avaler cette entente brouillonne et néfaste aux Québécois et aux Franco-Canadiens. Un fédéraliste dans la plus pure tradition aplaventriste, voilà ce qu'est Michel Bastarache. Et voilà pourquoi Charest l'a choisi!

Mais il n'y a pas que la personnalité fédéraliste de Michel Bastarache qui pose problème. En 1997, la nomination de celui-ci à la Cour suprême du Canada avait soulevé un tollé. Les gens n'étaient pas plus dupes en ces années-là qu'ils ne le sont aujourd'hui. Et ils avaient bien relevé le fait que Bastarache avait travaillé, à la fin des années 1980, dans la même étude juridique que Jean Chrétien. De ce fait, tous se demandaient si les liens passés entre le juge et le premier ministre pouvaient expliquer cette nouvelle nomination à la Cour suprême. Et plusieurs concluaient que tel était bien le cas.

Par conséquent et dans de telles circonstances, avouons qu'il est assez particulier de confier, en 2010, le mandat à Bastarache de faire la lumière sur de prétendues allégations concernant justement des nominations partisanes de juges alors que lui-même s'est déjà retrouvé au centre de telles histoires! À l'évidence, ce dernier n'évoluera ainsi pas en pays étranger.

Quoi qu'on en dise, Jean Charest est après tout assez habile. En nommant Bastarache, il est clair qu'il s'est assuré de sélectionner un candidat qui saura éviter à merveille les écueils et qui saura comment éviter de plonger encore plus profondément ses amis dans la tourmente.

Mais quelle république de bananes quand même!




Jean Charest et les juges

Si les révélations de l'avocat Marc Bellemare à l'effet que les grands financiers du PLQ ont leur mot à dire dans la nomination des juges au Québec s'avèrent fondées, il faudra en conclure que Jean Charest n'apprend pas de ses erreurs.

Par Patrick Bourgeois, www.lequebecois.org

Il faut savoir que ça fait au moins 20 ans que Jean Charest joue avec le feu en entretenant des relations fort particulières avec le judiciaire. Dès 1990, ce dernier a dû abandonner le poste de ministre de la Jeunesse et du Sport amateur qu'il occupait dans le cabinet conservateur de Brian Mulroney, et ce, parce qu'il s'était permis de téléphoner au juge Macerola pour défendre l'entraîneur Marc St-Hilaire, dont il jugeait injuste l'exclusion de l'équipe canadienne aux Jeux du Commonwealth. L'avocat Charest devenu ministre ne semblait alors pas comprendre l'importance de l'indépendance du judiciaire eu égard au politique. Malheureusement pour lui, il est tombé sur un juge plus zélé que les autres, juge qui ne tolérait absolument pas les pressions politiques et qui a, à cause de cela, dénoncé publiquement Charest. De ce fait, ce dernier a dû démissionner.

Le chroniqueur Yves Boisvert indiquait, à la suite de la plus récente sortie de Marc Bellemare, que la pratique voulait que les gouvernements ne choisissent pas nécessairement les meilleurs candidats pour occuper les fonctions de juge. L'important étant de choisir des candidats compétents, certes, mais provenant de l'intérieur du même camp politique. Pratique qui a toujours semblé plaire à la gang à Charest.

En 1991, Léo Daigle et Paul-Marcel Bellavance ont été nommés juges à la Cour supérieure. Jusque-là, rien d'anormal. Mais le dossier devient plus inquiétant dès que l'on souligne le fait que Daigle a été des années durant (avant de devenir juge, bien sûr) un organisateur politique de Jean Charest. Bellavance, quant à lui, avait jusque-là occupé le poste de président de circonscription pour les conservateurs à Sherbrooke. Il s'agit ici de deux hommes qui étaient des militants de Jean Charest.

Dans le livre qu'il a consacré en 1998 à Jean Charest, l'éditorialiste actuel de La Presse, André Pratte, notait qu'un grand nombre de personnes affirmaient à l'époque que les deux hommes avaient été nommés juges grâce à Charest, lui qui voulait ainsi les remercier pour services rendus. Était-ce vrai ou pas que le système nommait de manière aussi grossière des amis du régime afin qu'ils le servent plus loyalement? Dans ce cas-ci, seul Charest et quelques initiés le savent vraiment. Mais une chose demeure et c'est que les apparences jouaient alors très durement contre Charest. Et cela, le juge Bellavance le saisissait très bien. Voici d'ailleurs ce qu'écrivait Pratte après avoir demandé au juge Bellavance s'il devait sa nomination à Charest : « Le malaise est palpable ». Si c'est Pratte qui le dit, ça doit être vrai. Car, comme on le sait tous, il n'y a que la vérité qui sort de la bouche des agents de Gesca.

Et en 2010, la malaise est tout aussi palpable. S'il fallait que Marc Bellemare soit à même de prouver ses dires et selon lesquels un odieux trafic d'influence serait organisé dans les plus hautes sphères du Parti libéral du Québec afin que certains amis du régime, par le truchement de divers stratagèmes tous plus condamnables les uns que les autres, mettent la main sur les fonctions les plus lucratives et prestigieuses, Jean Charest n'aurait alors d'autre choix que de rentrer enfin chez lui, la queue entre les jambes.

Afin de faire la lumière dans ce dossier, le premier ministre doit dès maintenant permettre à Marc Bellemare - et aux autres qui ont des choses à dire - de s'exprimer dans le cadre d'une commission d'enquête dont le mandat doit concerner non pas seulement la nomination des juges au Québec ou l'industrie de la construction, mais bien le financement du Parti libéral du Québec dans son ensemble. Il n'y a qu'ainsi que les citoyens pourront retrouver un semblant de confiance en ceux qui gèrent présentement les affaires de l'État. Si Charest s'y refuse, il est fini. C'est aussi simple que ça.

Et après avoir gravité autour d'hommes qui usent de leur puissance financière pour influencer de manière néfaste le monde de la politique (les Desmarais, Sam Pollock et compagnie), après avoir participé à la grande tricherie fédéraliste de 1995, après les rumeurs de pont d'or ayant servi à le convaincre de s'en venir à Québec faire la lutte aux séparatistes en 1998, après l'histoire des résidences qu'il n'a pas les moyens de se payer sans le salaire secret d'au moins 75 000$ qu'il touche depuis 10 ans, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après tout ça, le départ du politicien Charest en ferait sourire plusieurs.

À Jean Charest, donc, j'espère bientôt pouvoir dire : bon débarras!